Rezension über:

Matthias Nuding: Matthäus von Krakau. Theologe, Politiker, Kirchenreformer in Krakau, Prag und Heidelberg zur Zeit des Großen Abendländischen Schismas (= Spätmittelalter und Reformation. Neue Reihe; Bd. 38), Tübingen: Mohr Siebeck 2007, VIII + 380 S., ISBN 978-3-16-149028-6, EUR 99,00
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Rezension von:
Philippe Genequand
Université de Genève
Redaktionelle Betreuung:
Jürgen Dendorfer
Empfohlene Zitierweise:
Philippe Genequand: Rezension von: Matthias Nuding: Matthäus von Krakau. Theologe, Politiker, Kirchenreformer in Krakau, Prag und Heidelberg zur Zeit des Großen Abendländischen Schismas, Tübingen: Mohr Siebeck 2007, in: sehepunkte 8 (2008), Nr. 10 [15.10.2008], URL: https://www.sehepunkte.de
/2008/10/12879.html


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Matthias Nuding: Matthäus von Krakau

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Traiter d'un personnage aussi célèbre que Matthieu de Cracovie (~1330/35-1410) peut sembler une gageure: une bibliographie considérable, éclatée entre plusieurs langues, offre une succession de biographies qui remonte au XVIe siècle et qui a connu au XIXe siècle une floraison voulant fonder l'appartenance nationale - tchèque, allemande ou polonaise - de l'auteur du célèbre de squaloribus Romanae curiae. C'est pourtant le pari que Matthias Nuding a choisi de relever: proposer une biographie, inscrite dans l'histoire des idées, qui renonce à toute récupération. Il est vrai que l'internationalisme de la construction européenne offre un cadre intellectuel propice à un tel projet.

A la suite d'une belle introduction, Matthias Nuding consacre la moitié de son texte aux années praguoises de son personnage, alors qu'il concentre son activité à Heidelberg, à Cracovie, auprès du roi des Romains et auprès du pape, en une centaine de pages. Le déséquilibre du plan s'explique par un angle d'approche focalisé sur la production savante de Matthieu de Cracovie et visant à corriger les erreurs des biographies qui lui ont été précédemment consacrées. C'est ainsi que la période praguoise, la plus longue - il passe presque trente ans dans la capitale bohémienne, la quittant au printemps 1390 - et la plus prolifique, apparaît comme la plus significative. Il rédige alors plusieurs traités théologiques sur des problèmes d'actualité (confession, fréquence de la communion pour les laïcs, économie et religion, etc.), une somme, le de contractibus, et développe son activité pastorale et homilétique devant ses paroissiens, le synode provincial ou même coram pape, à Rome, en 1382. A cela s'ajoute son engagement en faveur de la canonisation de Brigitte de Suède à laquelle il voue une grande dévotion. Matthias Nuding démontre son érudition en passant en revue les différentes facettes de l'activité intellectuelle de son personnage, contestant par exemple l'attribution trop généreuse de plusieurs recueils de prédications à ce dernier ou détaillant le propos du de contractibus qui offre une éthique juridiquement et théologiquement fondée des relations économiques à la fin du Moyen Âge dans une optique thomiste. Il n'en néglige pas pour autant les problèmes concrets, qu'il s'agisse de l'éclatement du Schisme ou des tensions persistantes entre les différentes «nations» de l'Université. Ce sont d'ailleurs ces dernières qui expliquent le départ de Prague et l'engagement de Matthieu dans la (re)fondation de l'Université de Cracovie, une période qui correspond aussi au renforcement de ses liens avec les Wittelsbach.

Matthias Nuding consacre l'essentiel des pages de la période suivante (1390-1405) d'une part à la discussion de la date de fondation de l'Université de Cracovie, d'autre part au de squaloribus Romanae curiae, l'œuvre la plus connue de son personnage. De façon caractéristique, il discute plus longuement des problèmes pendants à propos du texte - à qui doit-on attribuer les portions de ce dernier qui manifestent une culture juridique que l'on ne connaît pas à Matthieu? A quelle date doit-on placer la rédaction de l'ouvrage, les années 1390 ou plutôt 1405? - que du contenu, bien connu par ailleurs. Il se pose en démystificateur. Alors que l'historiographie a utilisé le de squaloribus comme preuve des idées réformatrices et conciliaires de Matthieu de Cracovie, il montre que le texte est moins novateur que cela, distinguant le contenu réel de l'œuvre et sa réception en temps de Schisme, concluant à une approche épiscopaliste de l'Eglise qui vise autant une réforme profonde de l'ecclesia militans qu'un retour à une gestion plus digne du marché des bénéfices, mais ne se prétend jamais une démonstration de la supériorité du concile sur le pape.

A l'occasion de l'exposé qu'il donne de la double carrière bénéficiale et curiale de Matthieu de Cracovie, Matthias Nuding corrige quelques idées reçues supplémentaires, lui contestant à la fois le titre de chancelier du roi Robert et le chapeau cardinalice. Il semble en effet que, si Grégoire XII le nomme à la pourpre, Matthieu préfère prudemment se contenter de son évêché au moment où se réunit le concile de Pise. Le pape romain ne lui en tient pas rigueur, le nommant légat pour les provinces allemandes. C'est là une occasion de prendre de la hauteur et d'embrasser pour quelques pages un tableau plus large et plus politique. L'administration de l'évêché de Worms amène à l'évocation du conflit qui oppose le clergé et les bourgeois. La politique ecclésiale du roi Robert permet de souligner la place de Heidelberg, rapidement convertie à une forme nuancée de conciliarisme, comme centre de réflexion sur le Schisme. Fort de cette analyse, Matthias Nuding propose de comprendre différemment l'opposition du roi Robert à la tenue du concile de Pise, en la considérant non comme une hostilité à la réunion pisane pro se, mais comme une réticence face à l'opportunité et aux possibles résultats d'une telle entreprise alors que le pape romain n'en veut pas. Pour finir, revenant à ses thématiques de prédilection, Matthias Nuding évoque les deux artes moriandi attribués à son héros et dont la paternité lui apparaît, là encore, douteuse.

Réservant en conclusion une large place au de squaloribus, Matthias Nuding invite son lecteur à accorder à Matthieu de Cracovie une surface intellectuelle plus diversifiée, sur la base de la démonstration qu'il vient d'en donner, et à ne pas faire de lui l'homme d'une seule œuvre. On comprend alors l'importance du choix judicieux du sous-titre, lequel propose de caractériser le héros du livre non seulement comme un réformateur - ce que l'on serait tenté de faire sur la base du de squaloribus seul - mais aussi comme un théologien et un homme politique, aussi bien dans le contexte de l'Université de Prague qu'à Cracovie et à Heidelberg.

Il convient finalement de souligner la richesse des annexes qui proposent un itinéraire de la vie de Matthieu de Cracovie, une liste de l'ensemble de ses écrits, y compris ceux dont la paternité apparaît à présent douteuse, mais surtout l'édition de vingt-quatre textes utiles à la reconstitution de sa biographie (lettres pontificales, missives du roi Robert ou correspondance de Matthieu lui-même, par exemple), d'un long sermon de sanctis prononcé devant Urbain VI, d'une proposicio facta pro canonizacione Birgitte de Swecia en 1385/1386 et d'une epistula ad novum sacerdotem vantant la noblesse de la position presbytérale. Les éditions de texte occupent ainsi presque soixante-dix pages, témoignant des compétences et de la générosité de l'auteur. Suivent une riche bibliographie et un index qui offre un accès matière bien utile.

En conclusion, on ne peut que louer le travail accompli par Matthias Nuding qui publie un ouvrage intelligent et érudit qui clôt sans doute plusieurs discussions initiées de longue date. Il est par contre nécessaire de relever que la construction du livre est bancale. Pour ne pas répéter ce que ses prédécesseurs ont écrit, l'auteur ne se penche, en effet, que sur les points litigieux, au détriment des éléments acquis. Au sujet du de squaloribus, il consacre par exemple vingt et une pages aux questions de critique de texte et sept seulement à son contenu. A propos de l'activité de son héros à Cracovie, il ne livre que trois pages alors qu'il en affecte plus de vingt à la discussion de la date de fondation de l'Université. On comprend bien le scrupule qui le mène à de tels excès - offrir du nouveau -, un scrupule louable, mais le lecteur ne s'y retrouve pas toujours s'il n'a pas une solide connaissance des problèmes discutés et s'il n'a pas un goût prononcé pour la discussion historiographique. Un accès plus rapide aux résultats et des portions de récit plus développées auraient assurément rendu la lecture plus agréable. Du fait des choix méthodologiques assumés, la biographie «définitive» de Matthieu de Cracovie est encore à écrire. L'historien qui s'en chargera ne pourra cependant en aucun cas négliger les résultats auxquels est parvenu Matthias Nuding.

Philippe Genequand