Rezension über:

Kathleen Bickford Berzock (ed.): Caravans of Gold, Fragments in Time. Art, Culture, and Exchange across Medieval Saharan Africa, Princeton / Oxford: Princeton University Press 2019, 311 S., 192 Farbabb., ISBN 978-0-691-18268-1, GBP 50,00
Inhaltsverzeichnis dieses Buches
Buch im KVK suchen

Rezension von:
Thomas Soubira
Centre Jacques-Berque, Rabat
Redaktionelle Betreuung:
Philippe Cordez
Empfohlene Zitierweise:
Thomas Soubira: Rezension von: Kathleen Bickford Berzock (ed.): Caravans of Gold, Fragments in Time. Art, Culture, and Exchange across Medieval Saharan Africa, Princeton / Oxford: Princeton University Press 2019, in: sehepunkte 19 (2019), Nr. 11 [15.11.2019], URL: https://www.sehepunkte.de
/2019/11/33073.html


Bitte geben Sie beim Zitieren dieser Rezension die exakte URL und das Datum Ihres Besuchs dieser Online-Adresse an.

Andere Journale:

Diese Rezension erscheint auch in KUNSTFORM.

Kathleen Bickford Berzock (ed.): Caravans of Gold, Fragments in Time

Textgröße: A A A

Le Sahara, cet espace inhospitalier en perpétuel mouvement, a aussi été un carrefour d'échanges florissants entre l'Afrique occidentale, l'Afrique du Nord, le Proche-Orient et l'Europe tout au long du Moyen Âge. Il est appréhendé ici à travers dix-neuf chapitres organisés en quatre grandes parties, selon une approche pluridisciplinaire et livrant plusieurs études de cas. Une bibliographie générale vient clôturer ce catalogue doté d'une illustration riche et soignée, où il est malheureusement assez difficile de faire la part des objets effectivement exposés. Deux cartes en double-page en début et fin d'ouvrage montrent, d'une part, les emprises des grands royaumes médiévaux africains et orientaux ; d'autre part, les principales routes commerciales terrestres et maritimes connectant l'Afrique de l'Ouest au Bassin méditerranéen et à l'Océan Indien, ainsi que l'itinéraire transsaharien du Hajj ayant mené Mansa Moussa, fameux souverain de l'empire du Mâli, à la Mecque en 1324-1325.

L'histoire du commerce transsaharien entre le VIIIe et le XVIe siècles, fil rouge de cette exposition, est perceptible à travers la diversité des sources qui sont autant de "fragments" connectés: sources orales, écrites (ces dernières consistant bien souvent en des témoignages indirects, de seconde main, souffrant de décalages chronologiques), et matérielles, issues de la recherche archéologique. Les représentants des institutions partenaires de l'exposition au Maroc, au Mali et au Nigéria dressent tour à tour un bilan des différentes initiatives dans ces pays en termes de préservation culturelle et de lutte contre le pillage et l'exportation illicite d'objets archéologiques.

Véritables nœuds pour le développement du commerce transsaharien médiéval, les centres urbains servaient à la fois de support logistique, pour le ravitaillement des marchands et des caravanes qui reliaient ces zones de peuplement, et de lieux de marchés et d'échanges, dotés d'infrastructures nécessaires pour accueillir une cosmopolite population de passage. Trois des plus importants centres économiques, politiques et religieux sur les deux rives de l'Ouest du Sahara sont analysés ici, au prisme de recherches archéologiques conduites dans les années 1990 et 2000: Sijilmâsa (Maroc) au Nord [1], Tadmekka [2] et les villes jumelles de Gao (Mali) au Sud. En tant que pont entre le Sahel, au contact du désert, et la Savane plus au Sud, le Bilad al-Sudan est également le foyer de développement des premières organisations étatiques ouest-africaines. La région du Delta intérieur du fleuve Niger, au Mali, occupée par des migrants venus via le Sahara à la fin du Néolithique et au début de l'Âge du fer, est présentée par le biais de données collectées à Dia et Djenné-Jeno. Dans cette région que la présence d'eau pérenne rend favorable à l'occupation humaine grâce, le commerce transsaharien est attesté dès le début de l'époque médiévale.

Ce commerce transsaharien médiéval était fondé sur les échanges alimentés notamment par l'or en provenance d'Afrique de l'Ouest, largement mis à l'honneur dans cette exposition. Il était employé pour l'ornementation d'objets de luxe comme les bijoux ou les textiles, mais surtout pour frapper des monnaies qui représentaient, au-delà de leur rôle économique, un instrument de diffusion de l'Islam en tant que pouvoir politique et religieux. Les monnaies médiévales, qui constituent un marqueur chronologique indiscutable, restent malgré tout peu documentées en contexte stratigraphique. Elles sont principalement connues par la découverte, souvent fortuite, de dépôts ou trésors autour de la Méditerranée et au-delà. Nous pouvons signaler à titre d'exemple la découverte récente, non renseignée dans l'ouvrage, d'un trésor monétaire dans une épave de bateau dans le port de Césarée en Israël, contenant notamment des monnaies fatimides en or frappées à Sijilmâsa. [3]

L'or africain était apprécié pour sa pureté. La découverte, au sein de l'assemblage archéologique de Tadmekka, de creusets en céramique utilisés pour la purification du minerai et de moules pour couler le métal fournit l'unique preuve archéologique directe du travail de traitement et de transformation de l'or au Sud du Sahara. À côté de cet or "jaune", le cuivre ("or rouge") et ses alliages, ainsi que l'ivoire ("or blanc") étaient prisés pour la confection d'objets de prestige. Le site funéraire de Durbi Takusheyi, au nord du Nigéria, est remarquable par sa concentration de bijoux en or, d'objets en alliage de cuivre et de bracelets en ivoire d'éléphant. Les analyses réalisées sur la signature isotopique de ces objets en cuivre suggèrent une origine du minerai en Europe de l'Ouest, connectant ainsi par les routes caravanières transsahariennes ces ensembles funéraires de la savane du Nigéria, datés du XIVe siècle, avec les centres miniers européens. Servant également de monnaies d'échanges autant que de manifestation du pouvoir et de structuration sociale, les perles en verre sont signalées dans les sources écrites comme une des marchandises caractéristiques du commerce transsaharien. Les recherches archéologiques récentes sur le site d'Igbo Olokum à Ife-Ife au sud-ouest du Nigéria ont démontré la présence d'une industrie locale sophistiquée de production de verre et de sa transformation en perles aux XIe -XVe siècles.

Mais le commerce transsaharien médiéval n'est pas limité aux échanges de biens matériels. L'ouvrage aborde la question de la circulation des êtres humains, du commerce historique des esclaves aux mouvements migratoires d'aujourd'hui, et celle de la mobilité des cultures, abordant notamment l'exemple marocain des Gnaoua, groupe social composé principalement de descendants d'esclaves d'Afrique de l'Ouest. Les caravanes transsahariennes étaient certes des caravanes de l'or, mais aussi des caravanes des savoirs et des idées, diffusant depuis le Nord l'arabe qui devint rapidement en Afrique de l'Ouest le langage des lettrés et de l'apprentissage. La présence de documents en arabe et la circulation d'ouvrages y sont attestés dès le début du XIe siècle. Les savants ouest-africains ont par ailleurs contribué, à partir de centres urbains comme Tombouctou, au développement des sciences avec des traités de jurisprudence, de grammaire arabe, de poésie ou d'ethnologie. Même si beaucoup de ces écrits ont disparu à cause de la détérioration du matériel employé, les inscriptions gravées sur la roche, comme à Tadmekka, perdurent.

En résumé, ce livre, destiné au grand public davantage qu'aux acteurs de la recherche africaniste, offre une bonne vision de l'Afrique de l'Ouest au Moyen Âge et de ses réseaux commerciaux locaux et internationaux. On pourra cependant regretter l'absence de contributions relatives à la Mauritanie ou au Sénégal, plus particulièrement en ce qui concerne les recherches récentes menées autour de l'ancien royaume médiéval du Takrur. [4] Après Evanston près de Chicago du 26 janvier au 21 juillet 2019, l'exposition sera accueillie à l'Aga Khan Museum de Toronto du 21 septembre 2019 au 23 février 2020, puis au Smithsonian National Museum of African Art de Washington du 8 avril au 29 novembre 2020.


Notes:

[1] Il est étonnant qu'il ne soit fait à aucun moment mention des investigations menées depuis 2012 sur le site de Sijilmâsa par une équipe maroco-française, qui a notamment démontré que la porte figurant en ouverture du chapitre, régulièrement présentée comme la porte d'entrée de Sijilmâsa, n'est certainement pas médiévale. Voir Christian Darles / Elodie Malet / Camille Mathieu / Anaïs Nicol / Elarbi Erbati / François-Xavier Fauvelle: La porte "Bāb al-Manṣūriyya", au nord de Rissani (Maroc). Description, comparaisons et proposition de séquence historique d'un vestige architectural, in: Bulletin d'Archéologie Marocaine 23 (2016), 243-263.

[2] Nous ne pouvons que recommander l'excellente monographie sur le sujet de Sam Nixon: Essouk-Tadmekka. An Early Islamic Trans-Saharan Market Town, Leiden 2017.

[3] Robert Kool / Issa Baidoun / Jacob Sharvit: The Fatimid Gold Treasure from Caesarea Maritima Harbor (2015): Preliminary Results, in: 5th Simone Assemani Symposium on Islamic Coins, éd. par Bruno Callegher / Arianna D'Ottone Rambach, Trieste 2018, 127-144.

[4] Roderick James Mcintosh / Susan Keech Mcintosh / Hamady Bocoum (eds.): The Search for Takrur. Archaeological Excavations and Reconnaissance Along the Middle Senegal Valley, New Haven 2016.

Thomas Soubira