Rezension über:

Lucas Madersbacher: Michael Pacher. Zwischen Zeiten und Räumen, Berlin: Deutscher Kunstverlag 2015, 359 S., 332 Farbabb., ISBN 978-88-6839-039-6, EUR 69,00
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Rezension von:
Anne-Sophie Pellé
Centre d'Études Supérieures de la Renaissance, Tours
Redaktionelle Betreuung:
Hubertus Kohle
Empfohlene Zitierweise:
Anne-Sophie Pellé: Rezension von: Lucas Madersbacher: Michael Pacher. Zwischen Zeiten und Räumen, Berlin: Deutscher Kunstverlag 2015, in: sehepunkte 17 (2017), Nr. 2 [15.02.2017], URL: https://www.sehepunkte.de
/2017/02/28340.html


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Lucas Madersbacher: Michael Pacher

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Depuis la grande rétrospective et le colloque international qui avaient été consacrés à Michael Pacher en 1998 à l'occasion du 500ème anniversaire de sa mort [1], peu de publications se sont intéressées à ce peintre-sculpteur actif à Bruneck (Brunico) dans la seconde moitié du XVe siècle. Spécialiste de la production artistique du Tyrol de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, Lukas Madersbacher offre donc, par l'intermédiaire de son dernier livre richement illustré, une monographie très attendue, qui présente le dernier état des connaissances concernant l'ensemble de l'œuvre de cet artiste majeur du monde germanophone. Le livre se définit de lui-même comme un ouvrage de référence, d'autant plus que l'organisation de son contenu autorise à l'envisager comme le pendant actualisé de la monographie d'envergure qu'avait consacrée Nicolò Rasmo à Michael Pacher en 1969. [2] En plus du texte à proprement parler, que Lukas Madersbacher développe sur près de cent-dix pages dans les deux premières parties (11-119) et sur lesquelles nous reviendrons plus en détail, il comprend en effet un catalogue aux notices très détaillées et à jour de l'œuvre complet du peintre (123-326). L'auteur enrichit également le corpus de documents d'archives publiés sur l'artiste à plus d'une centaine, dont les transcriptions sont recensées en fin d'ouvrage (327-344). Les illustrations, nombreuses, constituent indéniablement un point fort de cet ouvrage. Toutes de très grande qualité et agencées de manière à favoriser les comparaisons visuelles, elles permettent d'apprécier pleinement et dans les moindres détails non seulement l'art de Michael Pacher mais aussi celui de ses contemporains, comme le Maître de Uttenheim, dont il fallait se contenter jusqu'alors de reproductions à la qualité douteuse.

Dans une première partie faisant office d'introduction (11-24), Lukas Madersbacher établit une synthèse sur la vie de Michael Pacher en convoquant les sources documentaires. L'auteur insiste particulièrement sur trois problèmes fondamentaux, qui viendront ensuite irriguer sa réflexion dans la deuxième partie: l'apprentissage supposé de Pacher chez un maître originaire du Tyrol et formant à la fois à l'art de peindre et à la sculpture; la projection intellectuelle de l'artiste dans son œuvre avec l'hypothèse d'un développement de l'autoportrait inspiré du modèle italien, notamment celui d'Andrea Mantegna; l'ancrage géographique et familial de l'artiste, en particulier le lien de parenté hypothétique car non documenté avec le peintre Friedrich Pacher, dont l'atelier était également implanté à Bruneck.

La deuxième partie (25-119) a pour ambition d'apporter un nouvel éclairage sur les grands retables réalisés par l'artiste en interrogeant, sous plusieurs formes, les notions de temporalité et de spatialité. Le titre fournit ainsi d'emblée au lecteur les deux mots-clés "Zeiten" et "Räume", que Lukas Madersbacher emploie, à juste titre, au pluriel. Situer Michael Pacher et son œuvre constitue en effet le véritable enjeu de cet ouvrage puisqu'il s'agit d'inscrire les spécificités de son art non seulement dans l'époque de transition qui se serait établie entre le Moyen Âge et la Renaissance mais aussi dans la problématique des transferts artistiques et culturels. Le problème de la construction perspective et, plus généralement, son application dans les œuvres de Michael Pacher constitue, ici, le parti-pris méthodologique adopté par l'auteur, qui conduit le lecteur des prémices de l'activité du peintre vers la fin des années 1450 au retable de Salzbourg, sa dernière œuvre, qu'il réalise peu avant sa mort survenue en 1498. Dans ce parcours, trois œuvres sont en particulier passées au crible: le Retable de Saint Laurent, le Retable des Pères de l'Église et le Retable de Sankt Wolfgang. Une telle méthode peut prêter à discussion, dans la mesure où l'auteur donne ainsi l'impression de réduire les préoccupations intellectuelles de Michael Pacher au seul problème de la spatialité. Dans cette partie, on peut par conséquent regretter le fait que l'ouverture pluridisciplinaire se limite au domaine des mathématiques, d'autant que certaines pages sont jalonnées d'illustrations reproduisant des schémas de construction perspective peu lisibles et dont la complexité exige du lecteur des connaissances pointues en matière de géométrie. Néanmoins, cette approche permet à Lukas Madersbacher de défendre deux idées convaincantes.

D'une part, il rétablit le rôle de l'atelier dans la transmission et le développement des principes de la perspective, nuançant ainsi l'importance de la théorie, en particulier celle énoncée par Alberti dans son traité du De pictura, qui ne circulait que sous forme de manuscrits jusqu'à sa publication à Bâle en 1540 (55-63). Au fil des pages, l'auteur dresse ainsi le portrait d'un peintre qui maîtrise son art au point de créer des illusions efficaces à l'aide des éléments architecturés, comme en témoigne la démonstration chevronnée de l'auteur concernant le Retable des Pères de l'Église, que Pacher réalise entre 1471 et 1475 environ pour l'abbaye augustinienne de Neustift (102-103).

D'autre part, l'auteur parvient à établir la corrélation entre l'activité intellectuelle de l'artiste et la portée européenne de son œuvre (95-107), qui s'est tout autant imprégnée des innovations italiennes concernant la construction perspective - en particulier des fresques de la Chapelle Ovetari peintes par Mantegna entre 1448 et 1457 dans l'église des Eremitani à Padoue - que de l'héritage iconographique flamand et rhénan (90-93). En analysant les retables de Michael Pacher comme des œuvres qui s'imprègnent du passé pour mieux mettre en évidence leur modernité (107-112), l'approche de Lukas Madersbacher soulève inévitablement l'épineuse question de la définition d'une "Renaissance" appliquée au monde germanique (113-117). L'ouvrage offre en cela une matière à réflexion pertinente dans la mesure où la critique s'en tient majoritairement à analyser la notion de modernité, intimement associée à la réception active de l'art italien, chez les artistes de la génération suivante, à savoir celle de Dürer et de ses contemporains.

Remplissant tous les critères d'une monographie, ce livre offre une vue d'ensemble à la fois complète et problématisée de l'œuvre de Michael Pacher. Par les nombreux documents d'archives recensés et les notices du catalogue qui prétendent à l'exhaustivité, l'ouvrage s'adresse en priorité à un public spécialisé. L'approche diachronique de l'auteur concernant le problème de la spatialité intéressera ainsi aussi bien l'historien de l'art médiéviste que moderniste. L'ouvrage présente toutes les qualités d'un "beau livre", dont les illustrations invitent à la flânerie tout œil amené à explorer ses pages.


Notes:

[1] Artur Rosenauer / Cornelia Plieger (dir.): Michael Pacher und sein Kreis. Ein Tiroler Künstler der europäischen Spätgotik, 1498-1998, éd. italienne: Michael Pacher e la sua cerchia. Un artista tirolese nell'Europa del Quattrocento (catalogue d'exposition Neustift, Augustiner-Chorherrenstift, 25 juillet-31 octobre 1998), Bozen / Lana 1998.

[2] Nicolò Rasmo: Michael Pacher, Munich 1969.

Anne-Sophie Pellé