Rezension über:

Peter Kurmann et al.: La cathédrale Notre-Dame de Lausanne. Monument européen, temple vaudois, Lausanne: La Bibliothèque des Arts 2012, 323 S., 257 Farbabb., ISBN 978-2-88453-173-3, EUR 47,80
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Rezension von:
Patrick Demouy
Université de Reims Champagne-Ardenne
Redaktionelle Betreuung:
Jean-Sébastien Sauvé
Empfohlene Zitierweise:
Patrick Demouy: Rezension von: Peter Kurmann et al.: La cathédrale Notre-Dame de Lausanne. Monument européen, temple vaudois, Lausanne: La Bibliothèque des Arts 2012, in: sehepunkte 14 (2014), Nr. 2 [15.02.2014], URL: https://www.sehepunkte.de
/2014/02/23870.html


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Peter Kurmann et al.: La cathédrale Notre-Dame de Lausanne

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Ce beau volume richement illustré résulte de la collaboration de 23 spécialistes, tant est riche et complexe l'histoire d'un monument qui depuis plus de huit siècles a connu de multiples transformations de son architecture, de son décor et de ses fonctions. Siège d'un évêque catholique puis temple réformé accueillant les cérémonies institutionnelles de l'État de Vaud, Notre-Dame de Lausanne ne se réduit pas à la dimension d'un canton suisse. L'un des mérites de ce livre est d'analyser les influences reçues et données, entre Angleterre, France, Italie et Saint-Empire.

Un premier chapitre rappelle l'histoire de cet évêché de la province de Besançon, marqué par les grandes heures du royaume de Bourgogne avant une difficile intégration à l'Empire. Trois fois plus riche que l'évêque, c'est le chapitre de 30 chanoines qui a pris en main le chantier en faisant le choix précoce d'un modèle français et en s'appuyant sur la dévotion mariale. La rupture avec la bourgeoisie, à la fin du XIIIe siècle, a marqué un premier tournant avant la tourmente de la Réforme en 1536. Si la cathédrale semble assez austère dans ses habits gris, c'est qu'elle a perdu sa trentaine d'autels, ses retables, statues, tapisseries, reliques et objets précieux. L'évocation de la liturgie fait ressurgir des couleurs, des odeurs et des harmonies oubliées (en 1491 était fondée une maîtrise pour assurer la polyphonie). Après le départ des chanoines, le chœur a accueilli des cours de théologie et la prestation de serment des élus vaudois. Le "temple de la cité" est toujours fortement ancré dans la société.

Le deuxième chapitre fait le point sur les cathédrales antérieures, depuis le VIe siècle, puis étudie la cathédrale actuelle, sa chronologie et sa place dans l'architecture gothique. L'analyse très fine du monument, particulièrement des soudures de maçonnerie, détaille les projets et repentirs puis les campagnes successives. Les résultats sont neufs et présentés de façon claire par des vues axiométriques qu'un dépliant de quatre pages permet de comparer pour suivre la progression de 1175 à 1240. Première cathédrale gothique hors de l'Ile-de-France avec Canterbury, Lausanne a reçu des influences de celle-ci, mais aussi de Sens et de Laon (notamment pour les tours), dans une moindre mesure de Liège, Châlons, Langres ou Braine, tout en développant une structure originale pour le bloc de façade. Synthèse entre un véritable arc de triomphe et une fortification de ville médiévale, le massif occidental prenait toute sa dimension lors de l'ostension des reliques de Notre Dame au-dessus de la porte arrière du porche. À son tour, la cathédrale de Lausanne, avec son mur épais évidé, ses parois dédoublées, le renoncement au formeret profilé dans les voûtes du vaisseau central, a influencé la cathédrale de Genève, la collégiale de Neuchâtel, l'abbatiale d'Abondance, mais aussi Saint-André de Verceil, en Piémont, ou Saint-François d'Assise, tout en gagnant l'Empire via la Bourgogne. Avec Toul, Lausanne a été un relais du gothique en terre germanique. Son revêtement coloré a été conservé ou reconstitué (dès 1908-1912) en de nombreux endroits, ce qui en fait une des rares cathédrales polychromes: revêtement gris rehaussé d'un faux appareil à joints blancs, colonnettes et tores en blanc, comme les arcs de décharge en trompe-l'œil. Pourquoi ajouter à la pierre une couche de peinture de la même couleur? Materiam superabat opus, écrivait Ovide, le travail surpassait la matière. "La pierre est anoblie par la représentation de sa propre couleur tout comme les images lumineuses ou les ornements transparents des fenêtres sont sublimés par les couleurs de la masse vitreuse. Une fois colorée, l'architecture de pierre devient, à l'instar des vitraux, le reflet resplendissant du monde immatériel" (118).

La couleur se retrouve sur l'exceptionnel portail enfermé dans un édicule ajouté sur la sixième travée sud entre 1225 et 1235 pour permettre un accès commode à la chapelle de la Vierge. Les statues évoquent l'art de Laon ou de Strasbourg marqué par le style antiquisant, mais avec des corps plus vigoureux et des vêtements lourds. Les beaux visages semblent vouloir parler aux fidèles, qui se trouvent enveloppés, sur les quatre côtés, par un monde figuré mettant en scène des étapes essentielles de l'histoire du salut. C'est grâce au Christ que Marie, conçue sans péché, est entrée au ciel, où elle intercède pour les fils de l'Église, dont elle est la figure. Le maître de Lausanne avait une connaissance précise de Chartres, mais il marque sa différence par rapport au couronnement de Marie siégeant à côté de son Fils. C'est le Christ seul qui trône au centre du tympan; la Vierge se tient debout à sa droite; un ange de l'autre côté présente la couronne qui lui est destinée. La représentation des ancêtres de Jésus selon saint Matthieu culmine avec Joseph, remplaçant l'arbre de Jessé dont Marie est le sommet. C'est donc un accent christologique prononcé qui caractérise cette iconographie, ce qui ne manque pas de singularité dans un haut lieu de la piété mariale. Son concepteur a voulu en marquer les limites. La sculpture figurée comporte aussi des statues rapportées devant le portail du narthex, œuvres expressives marquées par une nette influence parisienne, dans les années 1220. Quant au portail Montfalcon, réalisé à partir de 1515 quand a été supprimé le passage dans la grande travée occidentale pour aboutir à une véritable façade; il se présente actuellement, après de multiples réfections, comme une réinterprétation au début du XXe siècle d'une œuvre médiévale tardive.

Le quatrième chapitre fait l'inventaire du mobilier et du trésor: d'exceptionnelles stalles des environs de 1275 autrefois dans le chœur, stalles de la chapelle Saint-Maurice (1509), orgues (six instruments de 1456 à 2003), monuments funéraires, chaires, cloches, vêtements liturgiques (une infime partie de ce qui existait, car de nombreux ornements ont été brûlés pour récupérer l'or à Berne, où en 1537 le trésor finit au creuset). C'est à Berne encore que se trouve la grande tapisserie de l'histoire de César, ornement princier pour la cathédrale où fut ratifiée en 1476 la paix entre Charles le Téméraire et l'empereur Frédéric III, avec les fiançailles de Marie de Bourgogne et Maximilien de Habsbourg.

Le chapitre suivant est consacré aux vitraux. La plupart sont modernes, entre 1866 et 1934, mais il reste du Moyen Âge la fameuse rose, image chrétienne du temps et du monde, avec les travaux des mois, le zodiaque, les éléments, les fleuves du paradis, les êtres fabuleux des confins... La publication des photographies de tous ces médaillons est d'un grand intérêt; contemporains des vitraux de Chartres, Bourges ou Laon, ils datent des années 1190-1215.

Le dernier chapitre retrace l'histoire du monument, des remaniements de la fin du Moyen Âge aux restaurations les plus récentes. Mort à Lausanne en 1879, Viollet-le-Duc, qui avait quitté la France après la chute du Second Empire, y a conduit sa dernière campagne, avec sa conception systématique qui consistait à restituer des états qui pouvaient n'avoir jamais existé. Ses choix ont été en partie corrigés ultérieurement.

Un glossaire, une bibliographie et un index complètent cette belle étude et en facilitent la consultation.

Patrick Demouy