Rezension über:

Christine Descatoire / Marc Gil / Marie-Lys Marguerite: Une renaissance. L’art entre Flandre et Champagne, 1150-1250, Paris: Réunion des Musées Nationaux 2013, 207 S., ISBN 978-2-7118-6080-7, EUR 34,99
Inhaltsverzeichnis dieses Buches
Buch im KVK suchen

Rezension von:
Laurence Terrier Aliferis
Centre André Chastel, Université Paris IV Sorbonne
Redaktionelle Betreuung:
Philippe Cordez
Empfohlene Zitierweise:
Laurence Terrier Aliferis: Rezension von: Christine Descatoire / Marc Gil / Marie-Lys Marguerite: Une renaissance. L’art entre Flandre et Champagne, 1150-1250, Paris: Réunion des Musées Nationaux 2013, in: sehepunkte 13 (2013), Nr. 10 [15.10.2013], URL: https://www.sehepunkte.de
/2013/10/23606.html


Bitte geben Sie beim Zitieren dieser Rezension die exakte URL und das Datum Ihres Besuchs dieser Online-Adresse an.

Andere Journale:

Diese Rezension erscheint auch in KUNSTFORM.

Christine Descatoire / Marc Gil / Marie-Lys Marguerite: Une renaissance

Textgröße: A A A

Le catalogue de la magnifique exposition présentée simultanément au Musée national du Moyen Age - thermes et hôtel de Cluny à Paris et au Musée de l'hôtel Sandelin de Saint-Omer propose d'aborder un siècle de production artistique dans un espace géographique situé entre les comtés de Flandre et de Champagne, aux réalités politiques très diverses. Le sujet est extrêmement ambitieux, puisqu'il englobe l'orfèvrerie, l'enluminure, la sculpture mobilière, la sculpture monumentale ainsi que les sceaux, à un moment charnière de l'histoire de l'art médiéval. Des commandes des influents abbés Suger de Saint-Denis et Wibald puis Erlebald de Stavelot, en passant par le style antiquisant dénommé style 1200, jusqu'à l'élaboration d'un art plus rigide basé essentiellement sur des modèles parisiens, tous les aspects de la création artistique sont examinés. Malgré l'étendue chronologique et géographique du sujet traité à travers 134 objets, le pari est réussi et le catalogue dresse un excellent panorama de ce siècle caractérisé par une intense émulation à la recherche de formules et de compositions innovantes, par l'utilisation de modèles variés et par la volonté de parvenir à un naturalisme convaincant.

Le catalogue, judicieusement divisé en cinq sections et complété par des textes introductifs, permet d'embrasser une multitude de thèmes spécifiques de la période 1150-1250. La mise en valeur des échanges, extrêmement actifs et constitutifs du développement artistique dans les régions septentrionales, sert de fil conducteur à l'ouvrage. Conséquence directe de l'essor économique et de ses incidences démographique, culturelle et religieuse, la mobilité des artistes, des œuvres et des modèles entre les différents comtés, le domaine royal, l'empire germanique et l'Angleterre se trouve clairement exposée et illustrée par de nombreux exemples. L'accent est mis sur la réciprocité des échanges pour venir à bout de l'historiographie traditionnelle qui tendait à percevoir un centre, la Meuse, et des influences unilatérales dans les régions limitrophes et en Angleterre. Ainsi, la Meuse bénéficie également d'apports extérieurs et la difficulté d'attribution de nombreuses pièces prouve l'étroitesse des liens artistiques. Entre autres, le triptyque d'Alton Towers (cat. 36), attribué successivement à la Meuse, à la Champagne, à la Lorraine, puis à Cologne, témoigne du malaise à déterminer un lieu de production pour certains objets, étant donnée la diffusion de styles similaires due aux déplacements des artistes et des œuvres. Les parcours de plusieurs artistes gyrovagues sont mis en avant, par exemple celui de Nicolas de Verdun, qui après une formation dans la région mosane se déplaça à Reims, à Klosterneuburg, à Cologne et à Tournai, ou encore celui du maître des volumes II et IV de la Bible des Capucins, de formation mosane et réceptif au style anglais, actif à Paris, en Angleterre et en Champagne, qui travailla pour l'abbaye de Saint-Bertin ou pour l'évêque de Cambrai.

Toutefois, dans ce contexte d'homogénéité artistique, les spécificités locales existent. La sculpture de Cambrai développe un style basé sur des modèles chartrains [1] en créant une synthèse entre naturalisme et stylisation (cat. 9). En Champagne, des expériences parallèles à celles qui ont lieu dans la région mosane amorcent le style 1200 et démontrent l'élaboration d'un style régional à l'avant-garde du style assoupli (cat. 44, 68, 69, 70, 93, 94). La question de la polyvalence des artistes, souvent négligée, est discutée et illustrée par des cas concrets qui révèlent la capacité acquise par les artistes à travailler dans des techniques différentes. Le Maître des Concordances de Zacharie de Besançon, d'origine mosane et actif à l'abbaye Saint-Bertin à Saint-Omer (cat. 56-59), fut sans doute formé à l'orfèvrerie; l'enlumineur de la Bible des Capucins, également d'origine mosane et actif en Champagne, a fourni des patrons pour des vitraux et des peintures murales et fut lui aussi orfèvre. A l'abbaye de Saint-Amand, l'enlumineur Sawalon a signé un manche de couteau en ivoire (cat. 27-28).

L'ouvrage offre plusieurs apports intéressants. Sans pouvoir en faire la liste exhaustive, nous notons la remarquable contribution à l'analyse de la genèse du style 1200 fournie par l'étude sigillographique, qui met en lumière l'assimilation précoce de la nouvelle esthétique assouplie dans les sceaux. En Flandre, dès 1166, le deuxième sceau réalisé à l'initiative de l'abbé de Saint-Sauveur d'Anchin (cat. 4) montre l'adoption d'un style fluide, puis le sceau de Pierre d'Alsace, en 1173, suit les tendances contemporaines de la sculpture (cat. 51). Il en va de même à Laon, où deux sceaux de 1180 et 1184 (cat. 82 et 84) intègrent immédiatement le style antiquisant de la cathédrale. Le catalogue inclut une œuvre inédite d'un grand intérêt: la clé de voûte de l'ancienne cathédrale de Saint-Omer (cat. 85) présente un Christ plein de grâce dont les plis curvilignes du drapé sont élégamment agencés et attestent l'introduction précoce du style 1200 dans la région audomaroise. De plus, certaines œuvres peuvent désormais être attribuées à un même atelier, tel le groupe de plaques émaillées mosanes (cat. 22, 23, 24). On aurait tendance à y joindre les deux plaques représentant des prophètes en buste (cat. 25), mais il semblerait qu'elles soient plutôt issues du nord de la France, ce qui démontre la densité des contacts entre les deux régions. Signalons encore que la fourchette chronologique admise pour la réalisation du psautier d'Ingeburge, 1192-1214, doit dorénavant être resserrée à quelques années avant le terminus ante quem grâce au repérage d'un détail paléographique qui n'apparaît pas avant la deuxième décennie du XIIIe siècle (cat. 75).

La densité du catalogue et la quantité des sujets abordés rendent difficile la tâche d'en faire brièvement le compte-rendu. L'ouvrage propose en définitive une synthèse efficace des aspects constitutifs de la production artistique entre 1150 et 1250 regroupés de manière ordonnée. On regrette toutefois le caractère sommaire de certaines notices, réduites parfois au strict minimum, l'absence d'analyse des particularités et des innovations décelables dans les œuvres datant du début de la période considérée, le traitement elliptique de leurs échos et de leur rôle primordial dans le développement des œuvres des décennies 1180-1200. De plus, l'importance de l'utilisation des modèles antiques et byzantins, relevée dans les textes introductifs et mise en exergue par le titre, n'est pas suffisamment exploitée. Malgré ces quelques défauts, le travail effectué dans le cadre de l'exposition vient admirablement compléter les recherches menées ces dernières décennies sur l'art septentrional autour de 1200 et offre un nouvel ouvrage de référence précieux.


Note:

[1] À titre d'exemple, la mise en rapport des statues-colonnes provenant de la collégiale Saint-Géry-au-Mont-des-Bœufs (cat. 43 et voir Hervé Oursel / Colette Deremble-Manhès / Jacques Thiébaut: Nord Roman. Flandre, Artois, Picardie, Laonnois, La Pierre-qui-Vire 1994, pl. 71) avec le sculpteur responsable des ébrasements du portail nord de la façade occidentale de la cathédrale de Chartres nous paraît tout à fait évidente.

Laurence Terrier Aliferis