Rezension über:

Gianluca Cuniberti: La polis dimezzata. Immagini storiografiche di Atene ellenistica (= Fonti e studi di Storia Antica; 7), Alessandria: Edizioni dell'Orso 2006, 210 S., ISBN 978-88-7694-674-5, EUR 16,00
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Rezension von:
Éric Perrin-Saminadayar
Département d'Histoire, Université Jean Monnet, Saint-Étienne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Éric Perrin-Saminadayar: Rezension von: Gianluca Cuniberti: La polis dimezzata. Immagini storiografiche di Atene ellenistica, Alessandria: Edizioni dell'Orso 2006, in: sehepunkte 8 (2008), Nr. 4 [15.04.2008], URL: https://www.sehepunkte.de
/2008/04/13869.html


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Gianluca Cuniberti: La polis dimezzata

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Les travaux de Christian Habicht ont opportunément rappelé que l'histoire de la cité athénienne ne s'arrêtait pas à la défaite de Chéronée [1]; à leur suite, s'est manifesté, dans de nombreux pays, un regain d'intérêt pour Athènes hellénistique, devenue un objet d'étude autonome, dégagé des préjugés attribués à l'époque classique. D'une certaine façon, le petit livre de Gianluca Cuniberti s'inscrit dans ce renouveau des études athéniennes portant sur les trois siècles de l'époque hellénistique. Le point de départ de son enquête est toutefois directement inspiré des problématiques héritées de l'époque classique, puisque l'auteur se demande si, après 323, Athènes, qui incarna longtemps la démocratie, est encore une cité libre et autonome, caractérisée par l'esprit civique et le désir de participation.

Posée dès l'introduction, la question s'appuie sur une analyse statistique étudiant grâce au Thesaurus Linguae Graecae la fréquence des mots démokratia, autonomia et éleuthéria dans la documentation littéraire, d'où il ressort, sans grande surprise, qu'ils sont moins souvent attestés à l'époque hellénistique que dans la période précédente; l'auteur illustre ce propos par le passage qu'Héracleidès "le Crétois" consacre à Athènes dans la seconde moitié du IIIe siècle, où le visiteur "omet", dans sa description, d'évoquer la démocratie athénienne. Plus que le postulat de départ, la méthodologie retenue dans ces remarques liminaires laisse le lecteur perplexe, car il faudrait s'interroger davantage sur la nature de la documentation qui nous est parvenue (à commencer par les objectifs d'Héracleidès) et prendre aussi en compte les inscriptions, et en particulier le nombre de décrets qui, par leur grand nombre et par leur existence même, illustrent également (et peut-être même davantage encore que les textes littéraires) la vitalité de la "démocratie" athénienne à l'époque hellénistique. D'une manière plus heureuse - et plus classique -, l'auteur abandonne vite les statistiques pour réexaminer, dans trois chapitres chronologiques, la façon dont les auteurs anciens montrent et perçoivent la cité athénienne, à travers une série d'études argumentées.

Le premier chapitre ("Atene libera, liberata e dominata"), le plus long du livre (21-75), s'intéresse à une période qui, de la fin du IVe siècle à la libération définitive d'Athènes de la tutelle macédonienne en 229, voit la cité traverser plusieurs périodes de domination étrangère, lutter pour préserver son autonomie et sa liberté, et s'interroger sur ses institutions. On comprend, dans ces conditions, qu'elle fasse l'objet d'une attention particulière de l'auteur, qui examine successivement la façon dont les orateurs Hypéride, Dinarque et Démade, puis Diodore de Sicile (livres XVIII à XX), Plutarque et Pausanias utilisent les notions de démokratia, d'autonomia et d'éleuthéria pour rendre compte des débats politiques et des luttes traversées ou menées par Athènes dans cette période mouvementée. L'étude lexicographique est ensuite brièvement (55-59) étendue aux sources épigraphiques, et débouche sur une petite synthèse, qui emprunte beaucoup aux analyses de Christian Habicht, sur la pratique politique des Athéniens dans la période.

Le second chapitre ("Neutralità e diplomazia a difesa della polis") utilise les mêmes grilles et la même méthode pour rendre compte de la période suivante, de la Libération d'Athènes au milieu du IIe siècle a. C., mais s'intéresse davantage à la politique extérieure de la cité qu'à sa pratique institutionnelle. La Libération d'Athènes est étudiée à partir de Plutarque (Aratos), la politique extérieure de la cité, grâce à Polybe (et Tite-Live, pour les parties perdues de l'historien mégalopolitain); ces écrivains sont ensuite confrontés aux documents épigraphiques pour rappeler les grands moments de l'histoire diplomatique athénienne et évoquer la prospérité de la cité: Gianluca Cuniberti donne ici une courte synthèse des recherches antérieures, agrémentée de nombreuses citations (toujours traduites) d'auteurs ou d'inscriptions.

Un dernier bref chapitre ("Atene ad immagine di Roma") examine comment, avec l'entrée d'Athènes dans la sphère romaine, s'est construite à Rome l'image d'une cité dont le passé glorieux servait à cacher les faiblesses présentes, image déjà esquissée au chapitre II pour la période précédente à partir des témoignages de Polybe et de Tite-Live. C'est principalement Denys d'Halicarnasse qui sert d'abord de guide à Gianluca Cuniberti, qui montre ici, de manière convaincante, comment l'exemple athénien n'eut de cesse de guider l'historien de Rome. Dans quelques pages ramassées (137-144), l'auteur revient ensuite sur la crise mithridatique, qui, comme "ultime rébellion athénienne", vient sonner le glas du modèle démocratique athénien, déjà mal en point. Et l'auteur de conclure: si Athènes restait libre et autonome, ce n'était plus que par la volonté de Rome; Athènes prenait alors la place que cette dernière lui assignait, celle d'une capitale culturelle et touristique, "adulante e ossequente". Cette conclusion, assez pessimiste, reflète sans doute l'historiographie antique que l'auteur met très bien en valeur; la lecture des autres sources invite toutefois à davantage de nuances.

Au total, si à la lecture de ce petit livre de 147 pages, que terminent 60 pages d'annexes comportant chronologie, indices et bibliographie, l'image - intérieure et extérieure - d'Athènes hellénistique n'apparaît pas radicalement modifiée au spécialiste de la période, il faut reconnaître que l'ouvrage cite une documentation importante et résume assez bien les résultats des recherches antérieures. C'est pourquoi, il rendra des services, notamment au public italien - qui n'a pas la chance de pouvoir disposer encore d'une traduction de l'œuvre magistrale de Christian Habicht. Surtout, il a le grand mérite d'attirer l'attention des historiens sur la place de l'historiographie antique dans les représentations qu'ils se font de l'Antiquité.

Annotation:

[1] C. Habicht: Athen. Die Geschichte der Stadt in hellenistischer Zeit, Munich 1995 [trad. en anglais en 1997 (Harvard University Press) et en français en 1999 (Belles Lettres)].

Éric Perrin-Saminadayar