Sophia Nomicos: Laurion. Montan- und siedlungsarchäologische Studien zum antiken Blei-Silberbergbau (= Raw Materials, Innovation, Technology of Ancient Cultures; 7), Rahden/Westf.: Verlag Marie Leidorf 2021, 276 S., zahlr. Abb., ISBN 978-3-86757-038-1, EUR 39,80
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D'une superficie de 150 km2, le district métallifère du Laurion (Attique, Grèce), situé au sud d'Athènes, renferme des installations minières qui comptent parmi les plus spectaculaires du monde antique. Son sous-sol compte plus de 700 variétés de minéraux parmi lesquels le plomb argentifère et le cuivre ont joué un rôle clé dans l'occupation humaine et ce depuis la Préhistoire, contribuant notamment à l'hégémonie de la cité d'Athènes à l'époque classique (5 - 4ème siècles av. J.-C.). La présence de minéralisations est liée à la mise en place d'un système magmatique survenu il y a environ 10 Ma; il correspond à l'intrusion plutonique de Plaka et ses dykes associés de composition dioritique à granitique. Les installations métallurgiques qui jalonnent l'espace de ce vaste district ont fait l'objet de nombreuses publications par les ingénieurs des Mines lors des réexploitations au XIXe siècle notamment par la Compagnie Française des Mines du Laurion. D'après l'un de ces ingénieur, Conophagos (1980, p. 21), une tonne de galène permettait dans l'Antiquité de produire 400 grammes d'argent au terme d'une longue chaîne opératoire qui s'achevait par la coupellation - un procédé complexe permettant de séparer l'argent de l'oxyde de plomb, qui se retrouve parfois en contexte archéologique sous la forme de litharges.
Dans cet ouvrage, Sophia Nomicos revisite l'évolution des techniques mises en œuvre pour exploiter le minerai de plomb argentifère. En croisant les sources documentaires et l'apport de l'archéologie, les installations concernant les différentes étapes de production de l'argent sont décrites et analysées dans leur fonctionnement. L'auteure apporte de nouvelles hypothèses concernant l'interprétation et le fonctionnement de certains vestiges comme les structures hélicoïdales. Longtemps considérées comme des installations circulaires pour séparer le minerai, elles correspondent en fait à un système de broyage mécanique mu à partir d'un axe central, autrement dit fonctionnaient de la même manière qu'un broyeur à meules verticales. Parmi les découvertes inédites exposées par l'auteure dans le secteur d'Ari, figurent des vestiges interprétés comme les éléments d'un bocard: un dispositif mécanique destiné à concasser le minerai au sortir de la mine. Il pourrait s'agir de la plus ancienne preuve de mise en œuvre de cette technologie.
La question controversée du fonctionnement des laveries planes destinées à séparer le minerai de sa gangue est examinée en détail, mettant en évidence la fonction des bassins de décantation qui accompagnent ce dispositif. Les différentes étapes de la chaîne opératoire de la métallurgie de l'argent employées dans le Laurion antique: la fonte, la coupellation, la production de plomb, jusqu'à la frappe des monnaies à tête de chouette, sont interrogées. Pour autant l'interprétation des vestiges matériels de ces processus comme le traitement de la litharge reste particulièrement complexe en raison d'un manque de contextualisation archéologique. La recherche est confrontée aux problèmes méthodologiques posés entre autres par la disparition de certains vestiges miniers principalement en raison de la pression anthropique.
Pour répondre aux interrogations soulevées par ces lacunes et pour retracer une chronologie au plus près des faits, Sophia Nomicos a choisi volontairement de réaliser une synthèse diachronique de ce vaste district métallifère en analysant non seulement les vestiges liés à l'extraction et au traitement des minerais mais aussi en répertoriant de la manière la plus exhaustive possible les vestiges liés à l'occupation humaine : sont ainsi inventoriés, cartographiés et mis en perspectives: carrières, habitats, bâtiments publics, sanctuaires, infrastructures de communication, structure de défense, nécropoles. L'enquête s'appuie sur l'historique des recherches et un inventaire des sites réalisé d'après les sources documentaires et les rapports de fouilles couvrant la période géométrique jusqu'à l'Antiquité tardive. Ce catalogue est complété par l'inventaire réalisé par J.H. Young en 1942. Les conclusions de cette analyse diachronique montrent une forte causalité entre l'intensité de l'exploitation minière et le mode de peuplement.
Les plus anciens indices archéologiques sont des tessons céramiques du Néolithique Final provenant de l'acropole du Vélatouri. La découverte, au pied de cette colline, de tessons similaires, d'outils lithiques et de traces laissées dans la roche par de tels outils suggère que l'exploitation du plomb argentifère a également débuté au 4ème millénaire av. J.-C. Un affleurement métallifère à l'origine aurait attiré l'attention, mettant en œuvre une extraction en surface, avant que les veines minéralisées ne soient suivies en sous-sol, en particulier dans la mine du Théâtre (n° 3). L'exploitation de cette mine remonte au Bronze Ancien II (2650-2500 av. J.-C.). Le Laurion va connaître un bond significatif au cours des 4e et 5e siècle, en témoignent la quantité de vestiges liés à l'activité minière et au traitement des minerais qui jalonnent ce territoire. Le paysage est ici largement dominé par l'implantation de nombreuses installations liées à l'activité minière. Les célèbres puits de section quadrangulaire taillés dans les marbres du plateau, dont les verticales vertigineuses dépassent parfois la centaine de mètres, pour atteindre les minéralisations, côtoient les ateliers de broyage et les laveries planes utilisées pour séparer le minerai de sa gangue. L'occupation romaine est beaucoup plus difficile à mettre en évidence. Les vestiges et les témoins d'une exploitation sont rares. Il faut attendre le début de la période byzantine pour constater une reprise généralisée et intense de l'activité minière dont le déclin se situe aux alentours de 600 AD.
Le travail de Sophia Nomicos démontre que les recherches en archéologie minière ouvrent des perspectives novatrices en termes d'histoire des techniques et engagent des réflexions qui vont bien au-delà d'une simple description formelle de vestiges. Écrire l'histoire d'un district minier c'est aussi et surtout questionner comme à travers ce volume, les liens étroits entre l'exploitation de ressources minérales et le développement d'un territoire.
Cet ouvrage de 276 pages sur l'un des sites les plus emblématiques de l'histoire des techniques minières constitue sans aucun doute un ouvrage de référence qui fait date, traçant les pistes et les défis des recherches futures. Sophia Nomicos nous offre un aperçu d'un art minier qui a contribué à l'hégémonie de la cité-État d'Athènes et, au-delà, au rayonnement de la Grèce.
Denis Morin