sehepunkte 13 (2013), Nr. 5

Niklas Gliesmann: Geschnitzte kleinformatige Retabel aus Antwerpener, Brüsseler und Mechelener Produktion des 15. und 16. Jahrhunderts

Depuis une vingtaine d'années, la littérature sur les retables brabançons de la fin du XVe siècle et du début du XVIe est aussi abondante qu'hétérogène. La variété des approches donne lieu à un renouvellement du propos, certains des auteurs venant du monde de la restauration, d'autres de l'Histoire de l'Art, d'autres encore de l'Histoire. Les contributions s'appuient aussi bien sur des analyses de laboratoires que sur des études iconographiques et stylistiques, et sur des recherches techniques. Les conditions socio-économiques dans lesquelles les imagiers évoluaient, suscitent des investigations diverses, notamment dans les archives. Le "marché" des retables fait l'objet de la plus grande attention - comme son contexte religieux. Ce contexte est désormais appréhendé par différents canaux, et la littérature de dévotion est un filon volontiers exploité. La variété des approches est bien perceptible dans Miroirs du Sacré. Les retables sculptés à Bruxelles dirigé par Brigitte D'Hainaut-Zveny en 2005. Cet auteur, trop peu pris en compte par Niklas Gliesmann, a donné en 2008 une somme essentielle sur les retables des Pays-Bas. [1]

Les "petits" retables qui constituent le sujet du bel ouvrage de Gliesmann, n'ont presque jamais été spécifiquement étudiés. Un article publié en 1958 par Jaap Leeuwenberg fait cependant figure d'exception; il y est question de sept retables, désignés comme des "reisealtaartjes". [2] Le terme est plaisant. Il connaîtra du succès, au même titre que ses équivalents étrangers. Il reste que ces qualifications posent problème - nous y reviendrons. Quoi qu'il en soit, au-delà de Leeuwenberg, le livre de Gliesmann peut être considéré comme le premier ouvrage dans lequel les petits retables brabançons sont envisagés systématiquement et considérés comme un ensemble spécifique.

Cette entreprise suscite un intérêt immédiat. A lire le titre, on se pose différentes questions: à partir de quand peut-on désigner un retable comme un "petit" retable? Qu'est-ce qui distingue les petits des grands retables? Les premiers présentent-ils une iconographie propre? Remplissaient-ils des fonctions spécifiques? Etaient-ils destinés au même public? Etaient-ils des produits de commande, dont l'iconographie était spécifiée avant fabrication, ou des produits qui, une fois terminés, cherchaient leurs acquéreurs? L'ensemble de la production présente-t-elle quelque homogénéité (technique, iconographique et stylistique)? Les petits retables étaient-ils fabriqués dans les mêmes conditions que les grands? On ne multipliera pas plus les points d'interrogation. Mais on relèvera que, dans son ouvrage, Gliesmann pose peu de questions de manière explicite. Cet ouvrage souffre peut-être d'un manque de problématisation.

Le catalogue est riche de 80 pièces. La justification du choix des œuvres est donnée dans la courte introduction (11s.). Ce sont des dimensions fixées au titre de conventions (moins de 220 x 175 cm) qui ont permis la constitution du corpus. Ces dimensions paraissent arbitraires. Toutefois, elles permettent de prendre en compte la plupart des retables susceptibles d'être transportables par deux personnes seulement. Les retables de petites dimensions seraient donc des retables facilement déplaçables.

Dans le catalogue (115-299), les œuvres sont classées par lieux de production (Bruxelles, Anvers, Malines), à moins qu'elles n'aient pas pu être situées. On s'interroge sur l'intérêt du regroupement des retables par lieux de production plutôt qu'à partir d'autres critères - par exemple iconographiques ou techniques.

Les notices sont de belle facture, même si elles trahissent une meilleure connaissance de la littérature allemande que de la littérature néerlandaise ou française. Certaines notices sont, en conséquence, moins élaborées que d'autres. Après qu'ont été donnés lieu de provenance, datation, matériau et dimensions de l'objet, l'iconographie est rapidement mentionnée (noms des saints représentés, désignation lapidaire des sujets). Sous la rubrique "Erhaltung", on trouve non seulement des informations sur l'état de conservation mais avant tout la description de l'objet, qui doit chaque fois être complétée par un paragraphe consacré plus loin, après une rubrique "Restaurierung", au détail de l'iconographie et, parfois, à des considérations stylistiques.

En début d'ouvrage, l'étude proprement dite est précédée d'une présentation historiographique de la littérature (13-20). La nationalité d'un auteur correspondant souvent à une tradition herméneutique propre, l'auteur distingue les littératures allemande, belge et suédoise, avant de présenter la littérature récente tous pays confondus. Curieusement, le chapitre consacré à la littérature allemande est bien plus long que les autres. Le chapitre sur la littérature suédoise, dont on peut se demander pourquoi il existe en l'absence de chapitres sur les littératures anglaise ou espagnole - notamment -, est, pour sa part, étonnamment bref.

Les deux chapitres suivants sont consacrés aux généralités qui peuvent être énoncées sur les retables de petites dimensions (21-25), et aux conditions de leur production (26-31). Les généralités portent sur les aspects formels (formes des huches, des panneaux latéraux, des couronnements), puis sur les récurrences iconographiques, enfin sur la datation (21-25). Les conditions de la production sont présentées par le biais d'une introduction sur le système des gildes, sur les marques des villes, et sur le fonctionnement des ateliers (26-31). Ces deux chapitres sont de bonnes synthèses - qui, du reste, auraient tout aussi bien pu introduire un livre sur les grands retables. Gliesmann montre en effet que les petits retables sont parfaitement comparables à leurs grands frères, et qu'ils relèvent des mêmes conditions de production.

C'est également le cas du chapitre suivant, traitant du contexte dévotionnel (32-41). Etait-il pertinent qu'il soit inséré à cette place dans le discours? Il vient interrompre la présentation des objets. Il aurait été plus approprié de le placer à la fin de l'étude, peut-être en conclusion, ou juste avant celle-ci. Au surplus, ce chapitre est obsolète. Ces dernières années, des recherches intensives ont été menées sur les littératures théologique, spirituelle et dévotionnelle des XIVe et du XVe siècles, et surtout sur les littératures en langue vernaculaire. Du coup, l'évocation générale de la devotio moderna ou d'autres courants paraît relever du cliché. Il est vrai cependant que Gliesmann cite quelques sources précises pour justifier des iconographies récurrentes. Mais de nouveau, les réflexions de l'auteur auraient tout aussi bien pu prendre place dans un ouvrage sur les retables brabançons en général. Et cela d'autant plus que, dans le chapitre suivant, consacré aux fonctions des petits retables (42-53), il est montré que l'idée selon laquelle certains étaient des autels domestiques est fausse.

Le chapitre intitulé "Die Hersteller der kleinformatigen Retable dargestellt an ausgewählten Beispielen", est le dernier chapitre avant les conclusions, le catalogue et les annexes. C'est le plus long d'entre eux (54-114). Quelques retables conservés notamment à Simpelveld, Utrecht ou Rouen y sont isolés. Les raisons du choix ne sont pas données, mais leur étude est instructive. Car ils sont analysés de manière approfondie afin que soient précisés à quelles époques, dans quel ordre et comment leurs auteurs les ont fabriqués. Les instruments analytiques consistent en les méthodes traditionnelles de l'Histoire de l'Art (approches formelle, iconographique, stylistique); elles sont avant tout appliquées aux panneaux peints des retables, qui, refermés, cachaient les parties sculptées. Des "mains" sont déterminées; le "fonctionnement" des ateliers concernés est précisé. Une recherche de mise en relation des résultats obtenus pour les panneaux peints avec ce qui est observable pour les parties sculptées sous-tend le propos. In fine, la chronologie mise au point à partir de ces approches traditionnelles est convaincante. Mais l'analyse ne conduit pas à une mise en évidence de caractères propres aux petits retables - en premier lieu parce que les rapprochements probants sont des rapprochements avec de grands retables.

Au final, le livre laisse aux lecteurs une impression mitigée. Certes, ils ont eu l'occasion d'étudier de manière approfondie des retables qu'ils ne connaissaient pas, ou peu. Ils ont été amenés à admettre qu'il reste possible, avec les seules méthodes traditionnelles de l'Histoire de l'Art, sans un passage par les laboratoires, d'étudier de façon convaincante ces retables, de comprendre comment ils ont été mis en œuvre, de les dater et de les attribuer. Mais ils se sont aussi dit qu'il n'est pas pertinent d'isoler la production des petits retables, de celle des retables plus grands. Les petits retables ne constituent pas un groupe de retables présentant d'autres spécificités que celle de leurs dimensions, ou celles impliquées par leurs dimensions (simplification de la structuration, allègement de l'iconographie). Pour le reste (langages formel, décoratif, stylistique, techniques de mise en œuvre), ils relèvent des mêmes principes que les grands retables.


Notes:

[1] Brigitte d'Hainaut-Zveny (dir.): Miroirs du Sacré. Les retables sculptés à Bruxelles XVe - XVIe siècles. Production, formes et usage, Bruxelles 2005; Les retables d'autels gothiques sculptés dans les anciens Pays-Bas. Raisons, formes et usages, Bruxelles 2008.

[2] Jaap Leeuwenberg: Zeven Zuidnederlandse Reisealtaartjes, in: Belgisch Tijdschrift voor Oudheidkunde en Kunstgeschiedenis 27 (1958), 95-108.

Rezension über:

Niklas Gliesmann: Geschnitzte kleinformatige Retabel aus Antwerpener, Brüsseler und Mechelener Produktion des 15. und 16. Jahrhunderts. Herstellung - Form - Funktion (= Studien zur internationalen Architektur- und Kunstgeschichte; 86), Petersberg: Michael Imhof Verlag 2011, 352 S., 166 Farb-, 114 s/w-Abb., ISBN 978-3-86568-521-6, EUR 69,00

Rezension von:
Benoît Van den Bossche
Transitions - Département de Recherche sur le Moyen Âge tardif et la Première Modernité, Université de Liège
Empfohlene Zitierweise:
Benoît Van den Bossche: Rezension von: Niklas Gliesmann: Geschnitzte kleinformatige Retabel aus Antwerpener, Brüsseler und Mechelener Produktion des 15. und 16. Jahrhunderts. Herstellung - Form - Funktion, Petersberg: Michael Imhof Verlag 2011, in: sehepunkte 13 (2013), Nr. 5 [15.05.2013], URL: https://www.sehepunkte.de/2013/05/21569.html


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