sehepunkte 11 (2011), Nr. 5

Gudrun Valerius: Académie Royale de Peinture et de Sculpture 1648-1793

Dans la préface de son ouvrage, Gudrun Valerius donne d'emblée la mesure de son "ambition": "répondre à toutes les questions liées à près d'un siècle et demi d'existence de l'Académie royale de peinture et de sculpture". Pour mener ce projet, l'auteur reconnaît certes le tribut qu'elle doit aux travaux de Jean Locquin (sur la peinture d'histoire), de Christiane Aulanier (sur l'histoire du Louvre), et plus encore de Christian Michel et Jacqueline Lichtenstein (sur l'histoire de l'Académie et de ses conférences). Elle entend néanmoins les prolonger suivant trois perspectives: compiler dans un même ouvrage l'ensemble des données relatives à l'histoire et à l'administration de l'Académie, les étudier chacune "à la loupe", et en renouveler la lecture à l'aune de "découvertes inédites", pour offrir in fine un outil de "référence", "utile" et "universel".

Soulignons la valeur pratique incontestable de l'ouvrage. L'on y trouve en effet, exposé de manière didactique et fragmenté, l'essentiel des informations connues sur le fonctionnement et l'évolution de l'Académie, depuis sa fondation en 1648 jusqu'à la Révolution. L'établissement de l'institution, sa localisation, ses statuts et règlements, ses procédés de recrutement, l'enseignement qu'elle prodigue, son système de financement et de protectorat, la réunion de ses membres sous forme d'assemblées ou de conférences, comme l'organisation de concours, font ainsi l'objet de chapitres succincts et isolés, souvent instructifs (ainsi l'étude des appartements du Louvre réservés à l'Académie), et parfois novateurs (ainsi l'analyse des rapports de l'institution avec l'Académie de Saint-Luc, issue d'une plus large recherche publiée récemment dans la Zeitschrift für Kunstgeschichte [1]). Reconnaissons également, au cœur de ces chapitres, l'intérêt de plusieurs listes indicatives, a priori sommaires et évidentes, mais pour la plupart inédites, et effectivement utiles: non seulement la liste des directeurs de l'institution, de ses protecteurs officiels, secrétaires et/ou historiographes, des décrets et des statuts promulgués, mais celle des académiciens, des honoraires associés-libres et amateurs, des concierges, des professeurs d'anatomie et de perspective, ou encore des lauréats des grands prix. Notons toutefois que ces listes, comme la plupart des faits exposés dans cet ouvrage, sont le plus souvent publiés sans sources bibliographiques ni références aux Procès-verbaux de l'Académie, annulant toute possibilité de vérifier ou de prolonger l'information donnée. Tel est notamment l'imperfection de la liste des "membres" de l'institution qui clôture l'ouvrage. Exception faites de quelques données originales, celle-ci reprend les informations publiées dès 1909 par Paul Cornu dans la Table des Procès-verbaux de l'Académie, auxquelles est associé un appareil bibliographique dépassé et, avouons-le, inutile (soit la référence systématique au Dictionnaire de Bénézit, 1911-1923, à l'Allgemeine Deutsche Biographie, 1875-1912, ou encore au Dictionnaire de biographie française,1933-). Davantage profitable, la recension des récentes publications concernant les artistes et les amateurs reçus à l'Académie aurait en outre permis de faire ici l'économie de certains lieux communs erronés - notamment l'idée reçue selon laquelle Watteau aurait intégré l'Académie en 1717 en tant "peintre de fête galante", tandis qu'il y fut reçu comme "peintre d'histoire", ainsi que Christian Michel le précisait en 2008 dans son ouvrage Le 'célèbre Watteau'. [2]

De manière plus générale, la négligence de l'historiographie récente sur l'histoire et de fonctionnement de l'Académie royale de peinture et de sculpture pénalise plusieurs chapitres de l'ouvrage: l'auteur étudie par exemple l'ouverture de l'institution à une classe de conseillers honoraires sans tirer profit de la récente étude de Charlotte Guichard sur l'amateur [3]; son analyse de l'enseignement prodigué à l'Académie contourne les publications éclairantes de Marianne Le Blanc sur les théories perspectives d'Abraham Bosse [4], comme celles de Martial Guédron sur les leçons académiques dédiées à l'ostéologie [5]; et l'étude de l'établissement de l'Académie et du directorat de Le Brun néglige la matière et les conclusions offertes par Bénédicte Gady. [6]

Si le présent ouvrage reste indiscutablement utile, propice à la recherche d'informations localisées et générales sur la vie académique de l'Ancien Régime, il reste néanmoins un manuel, auquel il faudra nécessairement associer l'ouvrage, davantage analytique, problématique et actualisé, que publiera prochainement Christian Michel sur l'histoire de l'Académie royale de peinture et sculpture.


Notes:

[1] Gudrun Valerius: Die 'Académie de Saint-Luc' als Rivalin der 'Académie Royale de Peinture et de Sculpture', in: Zeitschrift für Kunstgeschichte 73 (2010), 1, 115-126.

[2] Christian Michel: Le 'célèbre Watteau', Genf 2008.

[3] Charlotte Guichard: Les amateurs d'art à Paris au XVIIIe siècle, Seyssel 2008.

[4] Marianne Le Blanc: D'acide et d'encre: Abraham Bosse (1604? - 1676) et son siècle en perspectives, Paris 2004.

[5] Martial Guédron: De chair et de marbre: imiter et exprimer le nu en France (1745 - 1815), Paris 2003.

[6] Bénédicte Gady: L'ascension de Charles Le Brun: liens sociaux et production artistique, Paris 2010.

Rezension über:

Gudrun Valerius: Académie Royale de Peinture et de Sculpture 1648-1793. Geschichte. Organisation. Mitglieder, Norderstedt: Books on Demand 2010, 383 S., ISBN 978-3-8423-2717-7, EUR 59,90

Rezension von:
Marie-Pauline Martin
Paris
Empfohlene Zitierweise:
Marie-Pauline Martin: Rezension von: Gudrun Valerius: Académie Royale de Peinture et de Sculpture 1648-1793. Geschichte. Organisation. Mitglieder, Norderstedt: Books on Demand 2010, in: sehepunkte 11 (2011), Nr. 5 [15.05.2011], URL: https://www.sehepunkte.de/2011/05/19390.html


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